Chroniques montélaises du 19ème siècle

 

Chroniques montélaises du 19ème siècle.

Ces chroniques sont issues de la consultation des archives en ligne (site Scriptorium) de deux journaux vaudois: la Feuille d'Avis de Lausanne (FAL) devenue 24 Heures en 1975 et le Nouvelliste vaudois, organe du parti radical puis libéral, édité entre 1824 et 1914

Les textes en italiques sont des commentaires de l'auteur.

Introduction.

Montricher était alors un village essentiellement agricole, avec une population d'environ 350 habitants au début du 19ème siècle et plus du double en 1900. On recensait 64 porteurs de lait en 1895, avec trois laiteries (aujourd'hui il n'en reste que cinq et une laiterie suffit à valoriser le produit d'une dizaine de producteurs de la région).

Incendies.

Les premières références à Montricher, dans ces deux journaux, datent de 1828 et concernent l'énorme incendie qui détruisit 19 bâtiments et en endommagea 4 autres. Ces maisons étaient contigües et bordaient le château. La solidarité est illustrée par deux exemples: la création à Lausanne d'un comité de soutien qui annonce l'ouverture d'une permanence à but de récolter des dons en nature et en espèces et la contribution généreuse de la famille De Mestral qui envoya deux chariots de nourriture destinés aux familles touchées par ce sinistre.

Les De Mestral étaient (et sont encore) de riches propriétaires terriens et possédaient, entre autres biens, la montagne du Pré de l'Haut sur le territoire de la commune.

Par suite le Conseil d'Etat demanda de reconstruire à l'extérieur du bourg, côté Mollens en séparant les maisons par des jardins mais il semble que certains habitants s'obstinèrent à rebâtir sur les débris de leurs maisons.

En 1855, un autre incendie met à la rue cinq familles pauvres dont l'une de 14 personnes avec un malade incurable et une vieille infirme. Comme cette famille est bourgeoise de Mauraz et que cette petite commune n'a pas de quoi leur venir en aide, les voilà bien démunis. Le pasteur de la paroisse demande des dons à faire parvenir au bureau du journal.

On peut rappeler que pendant longtemps et tout au long de ce siècle, l'assistance publique alimentée par la Bourse des Pauvres était dévolue aux personnes bourgeoises, c'est-à-dire originaires de la commune.

Juin 1865, c'est  encore dix maisons incendiées et sept en 1867.

En 1871, le moutonnier met le feu au bâtiment qui hébergeait 209 bêtes, toutes victimes de la folie de ce berger. Il écopa d'une lourde sentence puisqu'il fut condamné à 12 ans de réclusion.

Le dernier incendie rapporté est celui de 1894 où cinq maisons furent détruites et dix familles laissées sans abri.

Vu les risques encourus, on comprend le rôle crucial du ramoneur qui, à l'époque devait passer trois fois l'an dans chaque foyer. Ce service était à charge de la commune, du moins pour les familles bourgeoises et se justifiait pour prévenir les risques d' incendie.

 

Patrimoine foncier.

1829: le Grand Conseil ratifie l'achat d'une forêt de 277 poses au Grand Devens.

Cette forêt est encore propriété de l'Etat de Vaud et s'étend sur les côtes de Châtel.

1839: annonce de la mise du pâturage de Risel par les hoirs de la famille Mayor de Lully dont un des membres avait été baron de Montricher et avait acquis la colline du château et des terres en 1779.

La commune se porte acquéreur pour la somme de 35.050 francs.

1876: la Municipalité propose de vendre à l'armée 125 poses de terre au bord de la route menant à Pampigny. Par la suite, cette offre fut retirée.

1884: vente d'une coupe de bois à Chardevaz adjugée à la maison Bouvet de Salins dans le Jura français.

Ces bois furent exploités pendant quatre ans (1889 à 1893) et il fallut un accord du Conseil d'Etat pour cette vente dont le montant fut fixé à 160 mille francs. Un fort besoin de poteaux pour l'installation de lignes électriques semble expliquer cette énorme coupe de bois.

1892: la commune de Mont-la-Ville achète la montagne du chalet de Yens à la commune éponyme.

Cette montagne vient d'être rachetée par le syndicat d'alpage du Mont Tendre.

Transports.

Avant la mise en service de la ligne ferroviaire L'Isle-Apples-Morges, le seul transport public était assuré par la diligence partant de Bière tôt matin et reliant les villages du Pied du Jura à Cossonay (un aller retour par jour).

Un matin d'août 1895,  le postillon Rochat assurait le service avec un passager à bord. Soudain les deux chevaux, flairant une odeur inquiétante (loup y étais-tu?), s'arrêtent et refusent de faire un pas. Rochat et son passager prennent les chevaux par la bride et passent outre cet endroit "hanté". L'équipage reprend la route vers Montricher, sans encombre.

 

 

L'année suivante, c'est l'inauguration en grandes pompes du chemin de fer. A cette occasion, de la gare située au bas du village, on aperçoit un drapeau fédéral flottant au sommet du château (ou plutôt de ses ruines!). Désormais trois trains par jour emmènent les voyageurs jusqu'à Morges en une heure de trajet, mais début janvier 1900, ce service est interrompu (pour des raisons financières). Il est remplacé par un transport par diligence (départ de Montricher à 6 h.10, arrivée à Morges à 9 h.15). Bien du temps pour admirer le paysage!

Le service ferroviaire reprendra quelques jours ou semaines plus tard.

Vie villageoise.

Village essentiellement agricole et connu pour ses foires bisannuelles, Montricher s'ouvre au tourisme surtout estival dès la fin du siècle.(L'arrivée du chemin de fer est une cause prépondérante). Plusieurs pensions offrent leurs services. En voici quelques-unes, mentionnées entre 1895 et 1900:

-  Pension Morel-Falquet pour séjour d'été

-  Pension Chenuz (jeux divers, piano, cure de lait chaud)

-  Pension Haute Vue (14 chambres, sonnerie électrique et eau dans la maison)

-  Pension Girardet.

A noter que l'eau venait d'être installée dans les maisons puisqu'en avril 1897, on fêtait l'inauguration du réseau par un banquet

En 1900, une imprimerie est installée, elle publie en décembre le premier numéro de "L'Echo villageois".

Il semble que ce journal ne connut que quelques parutions.

Montricher et ses alentours ont connu, à maintes reprises, des bruits de botte car l'armée a souvent fait ses manœuvres à proximité ou même dans ses murs puisqu'en 1869, l'exercice consistait à reprendre le village où s'était replié un des protagonistes.

En septembre 1877, sept bataillons et 4000 mille hommes jouent à la petite guerre. Une attaque française (!) à laquelle la vaillante armée suisse doit faire face est mise en scène sur la plaine de Bière. A la fin de l'exercice, l'inspection a lieu au bas du village de Montricher.

L'esprit militaire est très présent. Les 50 ans du Sonderbund (conflit entre l'armée fédérale et sept cantons catholiques en novembre 1847), sont commémorés en citant les douze Montélais encore vivants qui y ont participé (4 Morel, 3 Buffet, 2 Magnin, 2 Chenuz et un Jaccard).

 

L'école est affaire communale. La Municipalité choisit ses régent(e)s et fixe les salaires. Dans les années 1892-93, elle offre un poste  de régent pour les grands élèves à 1500 francs par an alors que l'offre pour la régente des petits n'est que de 600 francs. A titre de comparaison, le montant fixé à cette époque par la régie fédérale pour un nouveau facteur est de 1212 francs.

Les cafés sont nombreux et bien fréquentés, l'alcool coule à flots à tel point que, en 1884, les quatre aubergistes inquiets par la progression de l'alcoolisme décident une augmentation de 20 centimes le prix du schnaps (eau de vie de fruits) et de le fixer à 50 centimes les trois décilitres.

Trois décis de schnaps équivalent, en taux d'alcool, à plus d'un litre de vin qui se vendait alors à 70 centimes!

Plusieurs articles  de la fin du siècle font référence à desparetries de chasse. Cerfs, chevreuils, sangliers sont ciblés et plus étonnant un aigle Jean-le-Blanc (en fait un circaète) et deux loutres sont tuées alors qu'une troisième loutre court encore!

A noter que la loutre était considérée comme nuisible et qu'une campagne d'éradication fut menée autour de 1900. Disparue du territoire suisse, elle est de retour depuis une vingtaine d'années.

En l'an 1900, un spécialiste des fourmis du nom de Yung est venu les étudier. Il eut la patience de compter leur nombre dans deux fourmilières, L'une comptait 93.694 bestioles et l'autre 19.933 ! Le célèbre naturaliste Auguste Forel avait alors certifié que certaines fourmilières pouvaient atteindre 400 à 500 mille insectes.

Pour clore ce tour d'horizon montélais, cette jolie mention parue la veille de Noël 1900 dans le Nouvelliste vaudois, à propos de l'église : "antique temple dont l'éclatante blancheur s'aperçoit de loin, même du Grand Pont de Lausanne".

 

Ce texte a été rédigé par Bernard Perrin en février 2022.

 

 

 

 

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