Les verriers : suite et fin de leur épopée sylvestre

 

Les verriers: suite et fin de leur épopée sylvestre. texte Bernard Perrin

Mentionnées à la Vallée de Joux,  les activités de verrerie dans le Jura Vaudois se développèrent dès le milieu du 16ème siècle, sur des sites tels que Praz-Rodez, la Thomassette ou les Grands-Plats, de part et d'autre du village du Brassus. Il y eut également un établissement au bord de la Lionne, près de l'Abbaye. Les verriers se déplacent ensuite aussi du côté du Mollendruz dès le début du 17ème siècle. Les seigneurs de La Sarraz et de Daillens  leur cèdent le droit de coupe de bois sur les flancs du Jura. Les défrichements permettent ainsi d'étendre les pâturages et de les louer à des amodiateurs venant même du Pays d' En Haut qui introduisent la fabrication du Gruyère.

L'autorité bernoise voit d'un mauvais œil cette pratique et cherche à la limiter, voire à l'interdire. Elle édicte un règlement à propos des verreries. L'article 8 stipule ceci: "on n'en souffrira aucune, tout autour du Léman qu'en autres lieux du pays de Vaud".

Pourtant les verreries subsistent mais se déplacent en fonction des coupes de bois. Elles seront présentes dans le secteur de Montricher au début du 18ème siècle en trois lieux attestés par les vestiges découverts: à proximité du cimetière actuel (cordonnées 518.230/ 161.020), au bas de la combe de la Verrière, près des cibles (517.300/ 161.900) et à la Porte de Salmard, à mi-côte dans cette combe (516.920/ 162.760).

La plus importante semble être cette dernière qui fut en activité dès 1708, lorsque le maître verrier Jean- Baptiste Hus passe contrat pour coupe et charroi de bois et s'associe avec Jérémie Mojonnier pour construire un four à chaux. Par suite il achètera des droits de coupe de bois à la bourgeoisie du lieu (par trois fois), au seigneur de Daillens ainsi qu'à la veuve du seigneur de Pampigny, sur ses terres de Risel.

Vingt ans plus tard, ils sont encore sur place malgré les pressions des autorités bernoises. Jean-Baptiste Hus eut une riche progéniture: 10 enfants dont 3 nés à Montricher et son fils Sigismond eut, lui, 8 enfants, tous nés à Montricher. Ces naissances eurent-elles lieu sur le site de la verrerie ou au village? Aucun document n'en donne précision.

Les familles de verriers (8 sont recensées) portaient les noms suivants: Hus, Fleury, Genoux, Le Coultre, Favre-Maigre, Junot et  Enguel. Il y avait aussi un Meylan de la Vallée, fils de verrier engagé comme maître d'école. Outre les verriers, travaillaient aussi sur le site des bûcherons et des charretiers.

Les minutaires (datés entre 1713 et 1729) du notaire Chenuz donnent quelques aperçus des activités:

·       les verriers sont autorisés à sortir les braises de la verrière qu'avec la petite pelle à feu de leur maison pour allumer leur feu de ménage

·       lors de l'achat d'un coin de bois à la bourgeoisie, on réserve 42 sapins pour le rigeau (coulisse formant un toboggan pour dévaler les bois) existant et 16 sapins pour un nouveau rigeau

·       en 1729, 4 verriers forment une association. Hus est celui qui possède les chevaux, il prend la moitié des parts, les trois autres (Favre, Fleury et Junot) se partagent l'autre moitié. Si l'un se dédit (quitte l'association), il doit payer 20 louis d'or aux autres associés, un louis aux pauvres de Montricher et un autre louis aux pauvres de la verrerie

·       Hus se réserve 15 jours pour faire le cristal, il verse alors 15 florins aux autres associés.

 

Après avoir œuvré sur le territoire montélais, les verriers s'en allèrent plus loin, à la recherche de nouveaux lieux forestiers à déboiser pour leur production. Hus et sa famille s'installent à Mollens (aux Grands Monnods) où il acquiert la bourgeoise pour mille florins. Il acquiert neuf hectares de terres et achète le droit de coupe aux Monnods de Montricher. En 1744, les Bernois interviennent en lui interdisant l'usage de ces bois et exigent la destruction de la verrerie avant Pâques 1746 mais lesactivités des verriers continuent.

Les Fleury s'en vont peut-être déjà à la Verrière, sur la commune de Berolle, lieu où ils sont encore installés aujourd'hui. Un Fleury avait acquis la bourgeoisie de Mauraz pour 50 florins.  Une activité de verrerie est mentionnée à Berolle dès 1733 et ce jusque vers 1770.

 

Sources:

ACV, fonds P. Pelet 101, Marginaux et mal-aimés, les verriers du Jura vaudois

Les verreries de Montricher, éditions le Pèlerin (réédition 2016).

 

                                                                                                       B. Perrin

 

 

 

 

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